mardi 4 juin 2019

WAUQUIEZ ET SA CLAUSE TARTUFFE

Du haut de sa présidence auvergne-rhônalpine, Wauquiez se voudrait le chantre* de la « préférence régionale », faute de pouvoir reprendre la « préférence nationale » à son grand regret déjà utilisée par son concurrent principal. Aussi a-t-il ordonné de truffer les appels d’offre de la collectivité d’une clause visant à privilégier les entreprises locales, élégamment baptisée « clause Molière ». Et, bien que l’inspection du travail ne relève pas de ses prérogatives, il a constitué une « police de la langue » à la tête de laquelle il visite désormais les chantiers, du moins lorsque la presse accepte de l’y suivre, pour débusquer les locuteurs étrangers susceptibles de ne pas comprendre les consignes de sécurité énoncées en français. La sécurité érigée en étendard de sa politique régionale !

Rappelons que Wauquiez fut quatre fois ministre. Un « piètre ministre », comme il l’affirme lui-même, surtout lorsqu’il se targue d’une expérience d’élu de terrain. Chargé de l’Emploi, entre le 18 mars 2008 au 14 novembre 2010, n’aurait-il pu prendre alors certaines décisions pour lutter contre ce qu’on appelle le « travail détaché » ? Chargé des Affaires européennes du 14 novembre 2010 au 8 mai 2011, n’eut-il pas pu passer quelques coups de fil pour intriguer contre la directive votée en 2009, d’autant qu’il appartenait au groupe majoritaire au Parlement européen ?
Bien sûr que non, car il n’est nullement question d’être efficace mais seulement de montrer que l’on agit : l’agitation médiatique en lieu et place de l’action. Entretenir cette illusion est toujours plus électoralement payant que de travailler à d’hypothétiques résultats effectifs. Et si, par chance, une décision suffisamment clivante permet de déclencher de surcroit une polémique, l’opération de communication sera d’autant plus amplifiée et permettra d’apparaître, auprès de l’électorat ciblé, comme un défenseur d’autant plus acharné de la cause en question, contre tous les laxistes du « monde des bisounours », ses grands ennemis.
La méthode est la même qu’avec son cheval de bataille précédent, ces désormais fameux portiques aux entrées des lycées, dont l’installation s’annonçait ruineuse, inapplicable, inutile voire contre-productive. L’essentiel était bien de donner à voir une intention qui se suffisait à elle même. Et qu’importe si la raison la mît à mal, car les peurs irrationnelles ne connaissent pas la raison.
Le Tribunal administratif de Lyon a d’ailleurs tout simplement annulé cette clause qu’il aurait donc mieux valu nommer « Tartuffe », le 14 décembre 2017. Qu’à cela ne tienne, car Wauquiez avait, semble-t’il, poussé à soumettre à l’épreuve son précepte dans son fief velave. On vient en effet de découvrir que le chantier d’installation des vitrines du musée Crozatier du Puy-en-Velay fut interrompu quatre mois durant, au prétexte que l’entreprise flamande titulaire du marché avait recruté des travailleurs roumains. L’agglomération du lui verser une indemnité de 31 480,83 euros pour couvrir les désagréments du retard. Puis les travaux ont repris… avec des ouvriers italiens !

Voilà qui donnerait matière à une belle comédie tant l’imposture prête à rire. Hypocrite fervent, menteur compulsif, maître-trompeur obsessionnel, il est en effet plaisant de voir éventées ses mises-en-scène ridicules, dévoilés ses tours de passe-passe.

Cet épisode s’inscrit dans un scénario de surenchères avec le F.Haine pour tenter d’occuper un espace électoral et médiatique de plus en plus restreint, stratégie que semble rejeter nombre de sympathisants de Les Républicains. Ceux qui suivent encore la longue dérive de leur président n’auront bientôt plus pour le défendre que les mots de Roosevelt à propos du dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza : « C’est peut-être un fils de pute, mais c’est notre fils de pute ! ».**


(Article initialement paru dans le numéro 138 de La Galipote –  Été-automne 2018)

*Attention typo-composeur, nous avons bien écrit « chantre » avec un « t », pas avec un « c », sinon il y aurait pléonasme !
** La citation est bien entendu authentique.

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